Un vélo fabriqué en France, c’est possible !

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Chaîne d’assemblage de vélo à assistance électrique, usine Cycleurope à Romilly-sur-Seine France © Julien Leprovost/Fondation GoodPlanet

Alors que la pandémie s’est traduite par un essor du vélo en France tout en mettant en lumière, par ailleurs, la dépendance des pays occidentaux (dont le nôtre) au reste du monde pour leur approvisionnement, elle a suscité l’envie de relocaliser une partie de l’industrie. La filière vélo française n’échappe pas à ce phénomène et fait face à un double enjeu : la relocalisation et le succès du secteur. La croissance de la demande est portée par le vélo à assistance électrique (VAE). Elle a bénéficié à l’usine Cycleurope de Romilly-sur-Seine. Nous l’avons visitée à l’occasion d’une journée portes ouvertes organisée par le Club des villes et territoires cyclables.  

C’est l’histoire d’une entreprise revenue de loin. Depuis 1972, le site de Romilly-sur-Seine fabrique les vélos de la marque Peugeot, quand en 1999, le constructeur automobile annonce décider de cesser cette activité. « On est passé par des frayeurs quant à l’avenir du site », se remémore un élu local.

L’usine traverse alors une période difficile. Elle est soutenue par des investisseurs étrangers et aidée par le département qui rachète les murs pour lui louer. En plus de poursuivre la production de cycles traditionnels, elle négocie le virage du Vélo à Assistance Électrique dans lequel elle se spécialise. Elle modernise sa chaîne de montage. Près de 300 000 vélos sortent de cette usine chaque année, 100 000 d’entre eux sont à assistance électrique, ce qui en fait le second site de production de vélos du pays et le troisième d’Europe. C’est donc à 120 kilomètres à l’est de Paris que sont fabriqués les vélos Peugeot (qui n’a finalement pas abandonné son activité cycle) ou Gitane, ainsi que les vélos de La Poste ou les Véligo.

Les cadres de vélo peints dans l’usine Cycleurope © Julien Leprovost/Fondation GoodPlanet

« Le vélo à assistance électrique est intéressant car c’est lui qui tire la croissance en termes de nombre de vélos fabriqués », explique Jérôme Valentin, président de Cycleurope. « Le VAE est en croissance de près de 25 %, le vélo traditionnel décroit de 3 à 5 % ». Selon lui, « le marché ne sera pas à 100 % électrique. Il ne faut pas miser sur l’un ou sur l’autre, il faut miser sur les deux », ce qui laisse de la place pour l’innovation tant dans le VAE que le cycle classique. En 2020, presque 1 vélo sur 5 vendu était un VAE. Ces derniers représentent 514 600 ventes, sur les 2,7 millions de l’ensemble du marché du vélo.

Dans l’usine Cycleurope

Dans un atelier de 8000 mètres carrés, auquel il faut ajouter un laboratoire pour tester la qualité des vélos, des entrepôts pour les pièces et les vélos assemblés prêts à être commercialisés, 200 personnes travaillent en équipe de jour afin de produire un millier de cycle par jour. Laurent Schluck, directeur des opérations, qui nous fait visiter les ateliers explique : « il faut 3 heures pour fabriquer un VAE, soit une heure de plus qu’un vélo traditionnel. La motorisation et le câblage prennent du temps ». Les cadres sont d’abord peints et vernis. Dans le même temps, les moteurs sont installés dans le moyeu des roues. Puis, les roues sont assemblées grâce à des machines qui tendent les rayons. Enfin, les moteurs et les roues sont installés sur les cadres qui avancent sur une chaine dont la dernière étape est le paramétrage des logiciels. Et en dernier, les vélos sont encartonnés grâce à une machine afin de partir chez le client.

Une opératrice assemble un VAE à Cycleurope © Julien Leprovost/Fondation GoodPlanet

L’usine a innové avec la machine pour mettre en carton les vélos. Cette machine, qui fait la fierté de l’usine, permet aux ouvriers d’éviter d’avoir à porter les 25 kg du vélo. Le site essaye aussi une nouvelle organisation de la chaîne. Finie la chaîne de montage rectiligne, bienvenue à la chaîne ovale. Cette dernière mise en service à titre expérimental depuis peu permet aux opérateurs de se voir les uns les autres et de s’assister en cas de besoin. « La chaîne ovale a permis de gagner 30 % de productivité. Les personnes qui travaillent dessus ne veulent plus revenir à l’ancien système », affirme Laurent Schluck.

Un projet industriel qui pose la question de la relocalisation

L’usine, qui produisait naguère 900 000 vélos par an, en produit actuellement 300 000 et pourrait augmenter ses capacités de production. Mais, l’entreprise dépend de l’extérieur pour ses approvisionnements. « Nous subissons la disponibilité des pièces », déplore Jérôme Valentin. Il s’agit d’un élément central pour permettre la réindustrialisation de la filière cycle en Europe. Il note en effet qu’une grande partie des éléments qui composent un vélo, comme les cadres, les freins ou encore les transmissions sont produites hors d’Europe. « Dans les années 1970, tous ces composants étaient fabriqués en France et leur production a été délocalisée », rajoute-il. Il estime que cette production pourrait revenir en Europe à condition d’y réimplanter la fabrication industrielle des cadres (dont la grande majorité provient d’Asie actuellement), ce qui conduirait, comme dans l’automobile, au retour d’équipementiers et d’accessoiristes.

Le nouveau modèle de triporteur capable de transporter 1 mètre cube à plat et d’effectuer une marche arrière © Julien Leprovost/Fondation GoodPlanet

Les vélos de demain sont déjà là

60 % des vélos qui sortent des chaînes de Cycleurope sont acquis par des particuliers, les 40 % restant sont destinés aux professionnels : loueurs, entreprises ou encore collectivités. L’entreprise développe donc des gammes destinées aux livraisons, comme un étonnant triporteur capable de transporter à plat 1 mètre cube de charge utile et de faire une marche arrière. Il sera mis en vente cette année et présenté à la Grande Exposition du Fabriqué en France début juillet 2021. L’entreprise travaille aussi sur l’hybridation des vélos afin qu’ils roulent en partie à l’hydrogène grâce aux piles à combustibles.

La filière vélo emploie 80 000 personnes en France où faire de la petite reine un mode de déplacement comme un autre reste encore un défi. En effet, seul 3 % des déplacements du quotidien se font à vélo alors que, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des transports et l’usage de la voiture individuelle sur de petits trajets, le vélo représente une alternative robuste déjà prouvée dans les villes du Nord de l’Europe. Or, le plan vélo ambitionne de faire passer la part modale du vélo à 12 % des déplacements en 2030. Le secteur du vélo en France se montre dynamique et semble promis à de beaux jours.

Julien Leprovost

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